J’avais voulu aider ce métamorphe bizarre qui tentait de s’évader d’un camp de prisonniers d’où les détenus servaient de cobayes dans des manipulations cybernétiques.
Pitié, ne me demandez pas encore pourquoi j’avais eu envie de l’aider. Ce con là s’était retrouvé sur mon chemin, et moi, comme d’habitude, j’avais sauté les pieds dans le plat avec une lucidité qui venait tout juste d’être rapatriée. Le mec semblait en galère totale…J’vous jure. Y’avait des putains de mi-homme mi-cyborgs qui lui coursaient au cul. Je crois que j’ai eu pitié. Du coup, moi, j’ai pas cherché à comprendre. Et voilà, en quelques secondes, bibiche se retrouvait dans les bras de ce vaillant tout doux et tout mielleux qui était adorable mais qui se retrouvait coursé par des rafales incroyables de tirs qui fuselaient de partout.
Durant notre violente escapade, j’eus la hanche fracturée et perdis tout usage de ma jambe droite lors d’une rafle en plein vol. On finit arrivés au bord d’un précipice en zone glacière, moi au sol, gérant comme je pouvais ma blessure. Il était certain qu’une fois débarrassée des soldats, j’appellerai Gabriel pour les invocations de guérison. Mais là, ce n’était vraiment pas le moment. Au bord du ravin et alors que les soldats se rapprochaient dangereusement, le fuyard, pour sauver ma peau, me fonça dedans sans prendre aucune pincette et nous projeta tous les deux dans le vide. Je chancelais sous la douleur en dévalant une centaine de mètres avant de s’écraser dans un cours d’eau glacée en contre-bas. Sans ma fracture, j’aurai pu voler ou trouver un moyen de rebondir sur la paroi, mais là, déjà avant la chute, mon état craignait, mais en plus, je continuais d’encaisser des chocs traumatisants et je n’en pouvais plus. J’arrivai au bout. Je me noyais et sombrai à la vitesse de l’éclair en mode léthargique, semi-consciente mais non-opérationnelle.
Franchement, j’étais tellement fatiguée, que je n’en avais plus rien à faire. Il n’avait qu’à me laisser dans le cours d’eau. Je me réveillerai dans mon lit après avoir crevée noyée et puis c’est tout. Mais d’un coup de bras, le métamorphe me sortit et m’allongea sur la banquise. Je pouvais uniquement bouger le bouts de doigts, battre des paupières et faire gonfler ma cage thoracique pour reprendre de l’air.
D’un pauvre mouvement d’oeil, je constatais que nous étions tombés dans un repère caché au creux des glaces et qu’une base se trouvait ici. Quelques uns de ses compatriotes attendaient son retour et s’entassèrent autour de nous. Lui était en pleine forme comparé à moi. Je le vis lever les bras et se faire arroser d’un liquide avant de revenir vers moi.
– “On va nettoyer les métaux lourds qu’ils ont incorporés en toi. Ils peuvent actionner leur magie à distance et se servir de toi comme une arme. On doit te nettoyer.”
Son compère sortit un genre d’arrosoir de professionnel qui faisait pshiter le liquide en fines particules au bout d’un long tuyau bien droit. Il le dirigea vers mon ventre et appuya une première gâchette. A la seconde où les gouttes touchèrent ma peau, je hurlai de douleur comme si ma vie en dépendait. Ce liquide avait le même effet que de l’acide pur. Sauf qu’au lieu de ronger l’extérieur de ma peau, il rongeait mes entrailles.
Le métamorphe m’attrapa comme une crêpe et me retourna sur le ventre. Tandis que j’essayais de lutter contre la douleur, il attrapa l’arrière de ma nuque d’une poigne solide. Ma mâchoire fut bloquée face contre terre et je n’avais pas la force de bouger mes autres membres. Les pschits reprirent de plus belles, mes cris avec.
– “Tu dois être désamorcée, on est obligé, siffla-t-il fermement. Ca ‘va pas durer longtemps, juste le temps pour nous ne nous assurer que tu es neutralisée.
*Pshit pshit pshit*
– AAAAAAAaaaaaaaaaAHHHHHH !
Ce liquide cramait chaque particule de métal, chaque gouttelette qui tombait, allait au cœur de mon corps et rendait la charge de métaux neutre en projetant une décharge suffisamment puissante pour court-circuiter le métal et le rendre inutilisable.
Lorsqu’ils crurent avoir fini, ils me laissèrent là, inerte et torturée comme rarement j’avais eu à subir de toute ma vie dans l’astral. Je savais qu’ils ne me voulaient pas de mal en soi et que le processus de nettoyage était une étape obligée, mais il fallait être honnête. Ce processus était une véritable torture, même s’il n’avait durée que quelques longues secondes interminables.
En plus d’être fracturée, violentée, noyée, j’étais trempée par un liquide qui me rongeait de l’intérieur et à bout de carburant énergétique. Alors là oui. J’étais vraiment saoulée. Mais le problème, fut qu’ils ne réalisèrent pas qu’ils avaient oubliés le bas de ma jambe droite. Je le sentais en moi. Une puissance latente, une magie destructrice prête à prendre forme sur simple commande.
– … Ngh… ja.. m….. jambe…. ja…. métaux… dans la jambe… encore…
Ils m’écoutèrent pas. Je tentai de bouger le bras pour les notifier en leur pointant difficilement mon tibia d’un doigt relevé, mais y’avait rien à faire, pour eux, tout était ok. Du coup, je n’avais pas trop le choix. Si je voulais qu’ils finissent le job de nettoyage, je devais leur montrer. Et vu que je ne pouvais plus bouger, je devais donc libérer la magie incorporée dedans. Il n’y avait que comme ça qu’il se rendrait compte qu’il y a des restes.
Une fois le sale moment passé, le reste de mon corps se sentait plutôt pas trop mal, à ma plus grande surprise, neutre même, mais il fallait se le farcir, le truc… le supplice insoutenable que je ne souhaitais pas à mon pire ennemi.
Mais si c’était important que toutes les particules soient neutralisées et qu’ils le considéraient comme une menace, alors je devais agir. Je sentais qu’il restait suffisamment de particules actives dans ma jambe pour faire péter une charge chaotique ici et ils ne s’en rendaient pas compte.
Pour désamorcer une arme, il n’y avait pas beaucoup de choix possibles, soit on arrive à la désactiver, ou la court-circuiter, soit on la fait péter. Et vu mes ressources, seul le dernier choix était possible.
Libérer la magie latente m’offrirait un réservoir de ressources énergétiques et me permettrait de passer à l’action. Ce monde mi-cyborg était suffisamment chelou pour moi de toute manière, je n’étais plus à ça prêt. J’avais donc mis en place ce plan. Libérer leur charge me permettrait de leur montrer en plus de l’expulser et donc de la rendre inactive par la suite. Enfin, ça, c’était ma théorie sur le moment.
Je fermis les paupières, posai mon esprit dans ma jambe et laissais les invocations faire le reste par pure intention. Mon corps lévita au ras du sol, fis quelques cercles toujours à l’horizontal, le corps raide, et mes bras se levèrent. Des flux jaillirent et un énorme cercle de lumière pure apparut dans la voûte glacière. Je n’avais plus qu’à cibler pour que l’intérieur du cercle ne se transforme en réacteur de charge énergétique et ne tire une impulsion astrale, comme un tir de bazooka en somme. C’était une belle arme, je devais bien l’admettre, dommage même de m’en débarrasser, elle m’aurait bien servi dans mes futurs combats celle-là… Mais bon, là, je devais voir au plus urgent. Peut-être arriverai-je à récupérer son usage plus tard, d’une autre manière.
Les autres se retournèrent, surpris, en ressentant des invocations de forces et en constatant un cercle lumineux sur la paroi.
– “Oh… tu avais encore autant de force en toi !”, me jeta l’un d’eux un peu amusé.
– ma jambe… reste ma jambe… s’avez pas fait, articulai-je. Rendre inactif…. je…. expulser…
Il me restait un levé de bras et un tour à 180 degré pour tirer une décharge.
Je tendis la main et d’un coup, ma tête sombra dans un noir total vers l’arrière. Tout mon corps retomba violemment au sol.
Je m’évanouis, littéralement.
Totalement vidée, je n’avais plus aucune ressource, plus rien. Je n’avais pas pu aller au bout de l’incantation mais au moins maintenant, plus rien ne risquait de sortir de moi vu que j’avais fait exprès de tout rafler. Un choix radical, néanmoins efficace.
C’était la première fois que j’en venais à m’évanouir dans l’astral.
Des bruits de pas rendirent ma conscience alerte et me ramenèrent à mon corps. Je me rappelais vaguement la merde dans laquelle je me trouvais. Pour le coup, c’est con, j’aurai préféré retourner au lit. Je n’avais toujours pas la force de rouvrir les yeux ni de bouger quoi que ce soit.
Le métamorphe s’accroupit.
– “Hey, t’es encore là ou t’es partie ? Hein, dis… Tu es là ? dit-il au corps gisant au sol. Checkons ta pupille, voir si tu réagis encore.”
Il posa ses doigts sur ma joue et du pouce et de l’index, il força ma paupière ouverte. Ma rétine se dilata avec la lumière filtrant à travers le glacier, vint ensuite un de mes grognements léthargiques. Même froncer les sourcils me demandait une force que je n’avais pas.
– “Ah bah tu es encore là ! Tu n’est pas repartie !”
Nan crevard, je ne suis pas partie, et toi tu attends quoi pour m’aider et me donner un peu de ton énergie ? T’as vu l’état de merde dans lequel je suis ? Voilà ce que je mourrai de lui pester à la figure, mais je n’avais pas la force de sortir le moindre mot. Seul un truc mâché sortit.
– nh…..
Il sourit. Il relâcha mon oeil.
– “Hum. C’est peut-être toi finalement qui est la gentille et moi le méchant”, dit-il en se relevant avant de tourner les talons et retrouver ses compères.
Ca c’est clair. J’étais gentille. La preuve. Fallait voir où ça me menait. Être comme une merde au sol vidée juste pour rendre service… De toute façon, gentil ou méchant… quand j’ai envie d’aider, y’a rien à faire… Je faisais ce que j’avais à faire, ça s’arrêtait là.
– Toi, le méchant ?…, marmonnai-je tant bien que mal.
Il ne m’entendit pas. Je souris. Je ne l’aurai pas aidé s’il avait été ,vraiment, un vrai, vilain méchant.
Mes paupières se refermèrent et je re-sombrai. En moins d’une seconde, je fus rapatriée au lit. J’étais à bout et exténuée.
– Une recharge. La source, mes guides… J’en peux plus. Vraiment. Je dois… Chouchou… Chéri…. Je….
En moins de quelques secondes, mon corps repartit en sortie astrale. Franchement, je me sentais en état critique. J’aurai donné n’importe quoi pour tomber dans un monde bisounours ou juste, me retrouver avec chouchou chéri. Mais ce ne fut pas le cas.
Comme si je n’en avais pas assez bavé.
Je rouvris les paupières dans un monde gris, glauque et bien merdique. Super.
– En plus d’être vidée, je me retrouve dans un monde de merde. Putain mais y sont où ces mondes bisounours des bouquins que certains canalisent, merde !!! Et mon Dragon, il est où mon dragon !!?… MERDE !!