– « Camille… Camille ? »
– Nhg…. ‘vois pas que je dors là ?… Je dors là…
Je me retournai dans le lit et la personne déboula en trombe dans la chambre, la porte ouverte dans le désespoir. J’étais dans ma chambre, mais dans la maison familiale de jeunesse, quand cette âme humaine me força le réveil. Me sortir de mon sommeil me rendait toujours grognon, non… bon en fait je détestais ça. Mais je n’eus pas le temps de pester, qu’il m’appréhenda sans attendre.
– « Camille, ça ne va pas… ça va pas… je-je ne vais pas bien… je vais vraiment pas bien… » dit l’homme en jetant son grand corps dans le dodo comme un vulgaire sac à patates. Les secousses provoquées me firent grogner.
Je luttais pour ouvrir les yeux et m’adapter au changement dimensionnel soudain. Quelques secondes auparavant, je m’endormais dans mon appartement parisien. J’avais reconnu le son de sa voix, je savais très bien qui c’était. Le fait qu’il m’atteigne aussi distinctement ne m’avait pas dérangé plus que ça, car il faisait partie de ma sphère intime, mais quand même… j’avais horreur qu’on me sorte aussi brutalement de mon sommeil. Je me redressai mollement, grognon, tandis que lui enfonça sa tête dans un des oreillers laissé vide.
– Attends une seconde que je percute au moins… tu me tires de mon sommeil là… laisse-moi au moins ouvrir les yeux correctement dans cette dimension…
Son niveau d’angoisse apparent me fit immédiatement comprendre la gravité de la situation. Il se recroquevilla sur lui-même, ses yeux se perdaient dans le vide, il s’accrochait à la couette molletonnée.
– Qu’est-ce qu’il y a ? Ca ne va pas ?
– « Non…. pas du tout… il faut que je te le dise… tu dois savoir… tu dois savoir que je ne vais pas bien du tout… »
Ma main se posa sur sa tête et lui caressa tendrement les cheveux.
– Dis-moi ce qui ne va pas. Tu es venu exprès me voir dans l’astral pour me parler, alors raconte-moi ce qu’il se passe.
– « Camille, Je…je veux me faire du mal !… En moi, en moi, je sens en moi… Je pense à me faire du mal…! Je me sens mal alors je pense à des choses pour me faire du mal… «
Sans arrêter les gestes réconfortants, je tentai d’en savoir plus.
– De quel genre de mal parles-tu ? J’ai besoin de savoir pour pouvoir t’aider. Dis-moi à quoi tu penses exactement.
Il se redressa en position assise, les yeux luisants.
Une double vision apparut et un écran avec un document word qui défila à 15 centimètres de mes yeux. Je parcourus rapidement les lignes en scrollant toutes les pages par simple effet d’intention. Sur le document de 3 à 4 pages, étaient référencée tout type de blessures pouvant être auto-affligées, chacune d’elle avec sa définition correspondante. De la plus simple et plus petite douleur émotionnelle, jusqu’à l’atteinte physique au point de non retour. Le dernier degré contenu dans son document était le suicide.
Il me dévisagea, l’expression plus désespérée que jamais.
– Tu vois ?… c’est horrible… ! Je ressens tout ça…
– Hmm, je vois. Et ce que tu me montres là, ta conscience humaine le sait ? Est-ce qu’il en a conscience au réveil, dans sa journée, il sait ce qu’il ressent ?
– « Non… non… il ne sait rien… il sait pas pourquoi il se sent aussi mal…. pas possible… pas… j’ai pas voulu… »
– En effet, il vaut mieux que cela ne remonte pas à sa conscience, il ne saura pas comment faire face s’il réalisait qu’il ressentait tout ça au fond de lui. Cela pourrait devenir dangereux. Tu lui as bloqué l’accès pour qu’il ne s’en rappelle pas au réveil, tu as bien fait. Garde ça pour toi. Je vais réfléchir pour trouver un moyen de t’aider.
– « Je sais pas quoi faire, Camille… Je le sens tout le temps en moi… C’est là…ça me ronge… je vais mal… je vais très mal en moi… je pense à plein de choses atroces… »
– Je peux tenter une guérison. Juste, laisse-moi un peu de temps pour trouver un moyen qui te corresponde vraiment et traite le problème de fond. Il faut que je me réveille et réfléchisse à une stratégie pour toi. En attendant, continue de faire en sorte que l’information ne remonte pas. Ca va aller, d’accord ? Tu n’es pas tout seul. Fais-moi confiance, on va bien finir par trouver un truc qui marche. On va essayer ensemble. Faut que tu tiennes le coup en attendant.
Je rouvris rapidement les yeux, puis fronçai les sourcils dans le lit en me mettant à réfléchir par quel bout prendre le problème.
C’était difficile de demander de l’aide quand on allait pas bien. Le corps pensait pouvoir gérer, mais le problème avec certaines énergies sombres, c’est que l’âme pouvait s’emballer sous la difficulté des flux incessants. Plus le temps passait, plus elle se sentait écroulée sous la nature des énergies.
Son réflexe était d’abord de les traiter dans l’inconscient, et si elle n’y arrivait pas, elle tentait de les contenir.
Quand les flux remontaient à la conscience, c’était qu’ils avaient pris une telle ampleur à l’intérieur, que l’âme n’arrivait plus à gérer la masse des flux.
L’émotion devenant trop forte, elle envahissait les univers, un peu comme de l’encre et de l’eau. Plus les flux étaient brassés, plus la couleur se mélangeait. A la fin, séparer les deux couleurs semblait être un travail insurmontable.
Une émotion sombre avait un peu le même effet. A la longue, l’être venait à penser que l’émotion était lui. L’émotion était ce qui le définissait.
Or, ce n’était pas le cas. C’était juste qu’elle s’était diffusée partout et avait malgré elle, imposée sa couleur par dessus les autres jusqu’à donner cette impression que la joie, le bonheur et la paix n’étaient plus accessibles.
Il ne restait que cette émotion sombre, cette douleur, cette peine qui dominait le corps, et maintenant l’esprit. C’était à la fois une illusion et une réalité. A la fois l’énergie sombre dominait l’ensemble, et en même temps, elle ne pouvait faire disparaitre la véritable nature de notre Êtreteté. Toutefois, l’énergie sombre pouvait impacter l’égo à tel point qu’il en venait à faire des actions à l’encontre de sa personne.
C’était un type d’auto-destruction qui pouvait prendre de multiples formes selon les décisions prises par l’Ego, qui lui se sent de plus en plus éprouvé et ne sait plus comment agir ou penser face à ce sentiment de perdition.
Reprendre le contrôle sur les énergies sombres et les traiter définitivement n’était chose mince à faire. Il fallait trouver la faille originelle qui avait fait naitre ce sentiment, et qui s’était entretenu au fil du temps, en ne cessant de s’affirmer et s’étendre davantage.
Brasser en surface le bien-être n’était pas toujours l’approche adéquate, justement parce que l’autre estimait qu’au fond de lui, ce n’était plus accessible car d’autres forces surplombaient l’ensemble. D’où la recherche du fond du problème.
Etablir des guérisons directement dans l’astral était idéal à mon sens, car depuis ses mondes, l’accès à la magie était clairement facilité. Or, le concernant, je savais d’instinct que j’allais devoir la jouer fine pour trouver une autre façon de l’atteindre par le haut, donc par sa personnalité humaine, par là où il pouvait entendre et faire redescendre petit à petit les prises de conscience jusqu’à la source.
Si on pouvait passer par l’âme, parfois, on avait besoin de la personnalité humaine pour entendre le message dans la vie « réelle ». Parce que l’Ego était celui qui souffrait. Lui parler en direct était aussi une manière simple de transmettre le message. Après, il fallait que l’information ait suffisamment de puissance en elle et de lumière, pour arriver à faire son chemin dans l’Être.
Aider les gens était difficile, encore plus ceux qu’on aimait. Il fallait savoir rester à sa place, et en même temps, tendre la main et créer des portes, puis enfin, faire comprendre à l’autre qu’il pouvait les prendre.
Aider l’autre à s’en sortir ne signifiait pas le forcer à être autre chose. C’était lui montrer qu’il était capable de prendre plein d’autres chemins possibles en dehors de ce qu’il croyait possible. Cela ne voulait pas dire qu’il devait prendre le même que le notre. Non, il devait comprendre de lui-même qu’il avait la force de s’en créer un nouveau, un qui ne soit pas sombre et tortueux.
Les énergies sombres étaient terribles dans le sens où quand elles nous enfermaient, pour s’en sortir, elles poussaient l’être à déployer encore plus la Volonté. La Volonté pour se dépasser Soi, la Volonté pour dominer ce sombre en soi. La Volonté pour reprendre le contrôle et choisir de guérir cette faille qui nous a mis dans ce sombre état. Voilà pourquoi on ne pouvait pas être le « Sauveur ». Parce qu’il était impossible de faire ce travail-là à la place de l’autre.
On peut apporter une aide, on peut accompagner, mais l’Autre doit vouloir avancer.
Il fallait du courage, de la patience, et beaucoup d’amour et de compassion sur Soi. S’en sortir n’était pas simple. Ceux qui n’avaient pas vécu d’épreuves ne savaient pas à quel point le sombre pouvait être éprouvant pour le mental, l’influence terrible qu’il pouvait avoir.
On disait que les épreuves nous rendaient plus forts. Oui, pour ceux qui y s’en sortaient…
J’étais contente malgré tout qu’il ait le courage et la volonté d’appeler à l’aide, même dans l’astral. Tant que cela n’atteignait pas sa conscience, j’avais une marge de manoeuvre intéressante pour placer des paliers de prises de conscience qui lui serviraient d’échelle. Mais encore fallait-il qu’il veuille grimper. Ça, c’était impossible de le faire à sa place.
Le point encourageant de l’histoire, c’était qu’en venant me chercher, je pouvais au moins l’accompagner dans son épreuve. A mon niveau, selon mes possibilités bien sûr, et selon ce qu’il acceptait.
Il n’était pas de nature à sombrer, pas de nature à se faire du mal. Encore moins à se laisser abattre. Mais parfois, les énergies nous font ressentir un cercle vicieux qui petit à petit, nous fait ressentir le mal-être, et on arrive plus à penser à autre chose.
On oublie la joie, l’amour, on oublie comment faire pour être heureux, étions-nous même capables d’être heureux ? La solitude, le désarroi, l’isolement. On se demande où est la Lumière.
Sur notre route, on a parfois besoin que quelqu’un nous le rappelle.
« La lumière est là, en toi, elle existe, tu peux le faire. La force, tu l’as. En toi, tes énergies te soutiennent, même si tu ne le vois pas. Ton âme veut que tu sois heureux, même si tu ne le ressens pas. Tout est là, pour toi. Tiens bon. Elle aussi voit que tu es malheureux, elle aussi entend. Elle aussi veut te protéger. «
Demander de l’aide est le premier pas, que cela soit directement à l’univers, dans l’éthérée, ou dans la vie réelle.
N’ayez pas peur de demander de l’aide à vos proches, à vos amis, ou à la personne compétente, selon le type de besoins et la nature de votre difficulté.
Il n’y a pas de honte à ne pas arriver à s’en sortir.
On peut avoir besoin d’aide pour tout un tas de raisons, dans tout un tas de domaines.
Alors certes, on ne trouvera malheureusement pas toujours quelqu’un qui voudra nous aider quand on demandera, mais parfois aussi on ne demande rien et une personne tombe de nulle part. Pas toujours le cas, mais la vie peut aussi nous surprendre.
Demander ou ne pas demander ? Dans le fond, qu’est-ce qui empêche de faire les deux en même temps : Demander tout en ne cessant jamais d’espérer y arriver…