La chute et la honte

Ce fut au moment de chuter qu’une émotion m’envahit. Pas celle de se faire mal, mais celle d’avoir honte.  

J’étais sur ma trottinette, à vagabonder doucettement sur les voies piétonnes quand je vis un mini ridicule, et très sec dos d’âne. Quand bien même il était abrupte, je pensais qu’en ralentissant, cela irait, mais non. Ma roue arrière me fit décoller et une fois projetée vers l’avant et totalement déséquilibrée, c’ en était fini pour moi. J’allais me vautrer.  

J’aurais dû penser à bien me réceptionner pour ne pas me faire mal plus que nécessaire, mais au lieu de cela, la honte m’accapara totalement. 

En me relevant, je tentai de sonder en moi pour comprendre comment notre esprit pouvait associer chute, et honte. Pourquoi, au moment de chuter, au lieu de penser à ma propre protection, je pensais aux jugements des autres, à leurs moqueries, et à la valeur de la notion de chute dans notre société ?  

Ma main eut une maigre éraflure, mais ce n’était pas ça qui me troublait le plus. Je me demandais si le fait qu’on s’autorisait à se moquer sans limites dans les cours de récréations, jouait, et si on ne ferait pas mieux d’apprendre tôt à nos enfants que le jugement n’aidait en rien à avoir confiance, ni en soi et en l’autre. 

Avoir honte de tomber, c’est avoir peur de prendre des risques parce que l’avis des autres priment sur notre capacité à tenir debout, et donc à être fiable, stable. Comme si la chute métaphorisait un échec et que l’échec était perçu comme un objet de potentiel moquerie si cela ne fonctionnait pas comme escompté.  

Je me demandais si on considérait qu’on ratait sa vie, on incarnait en même temps la risée de quelqu’un ou d’un groupe d’individu, parce qu’on était vu comme un bon à rien, ou que nos choix ressemblaient à la volonté de prendre ce dos d’âne, et qu’alors, les autres pouvaient admirer un vol plus ou moins magistral en se sentant supérieur à celui qui chute.

En remettant le pied sur la trottinette, j’en conclus une simple chose. J’allais devoir apprendre à me dire que les accidents de la vie ne rabaissent en rien ma valeur face aux autres, et que je n’avais pas à me sentir nulle et misérable de mettre retrouvée le nez collé par terre.

D’ailleurs, maintenant que j’y pensais, peut-être même que le fait de se retrouver au sol nous faisait inconsciemment rappeler notre soumission, et médiocrité face à ceux qui restaient debout. La caste de ceux qui ne faisaient jamais d’erreur et qui représentaient la perfection, et les autres, les casses gueules, les fous du roi et de sa cour. 

Sentir le poids de la honte me ronger de l’intérieur ne serait-ce que quelques secondes, me fit comprendre combien elle avait une emprise bien plus importante que je ne l’aurais cru en moi.

Bon, au moins, je ne m’étais pas fait mal. Mais, une chose était sûre, j’allais travailler très sérieusement dessus. Je ne souhaitais plus me sentir honteuse de mes choix, qu’ils soient des erreurs, des accidents, ou des réactions en chaines tout simplement. La chute ne devrait pas être un facteur de moquerie, mais au contraire, d’entraide, d’améliorations, et de constructions.

Maintenant, tomber m’empêchait-il de remonter sur la trottinette ? Echouer empêchait-il de retenter ? Tout dépend de soi, et de ce que l’on est prêt à faire pour aller de l’avant.

Bonne soirée à tous

2 Comments

  1. Sylvie

    Salut Camille,

    Quand tu veux on fait de la trottinette ensemble.

    Je connais une dimension où il n’y a que des énergies en forme de nuages tous doux.

    On ira là et quand on tombera, on rebondira aussitôt et on en rira.

    Ainsi il n’y aura plus de honte.

    Bise 😉

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